La ville aux poupées, un soir de grands départs

Directrice Nombre de messages : 51 Date d'inscription : 23/11/2004

Petits trains, petits porches, petites rues. Cette cité avait des airs de maisons de poupées. Etait-ce dû à une quelconque fascination des anglais pour les miniatures ? Ou bien parce que Pré-Au-Lard était une ville étudiante, conçue pour de menues jeunes filles aux hanches, pour de petits hommes aux épaules réduites, des petites personnes qui se faufilaient plus qu’ils ne se déplaçaient, de vrais souris !

Cette petitesse, Armand, ça le grisait ! Il claque joyeusement des canines, comme pour suggérer insidieusement son statut supérieur de prédateur à la foule inattentive de ces jeunes créatures qui s’engouffraient dans la gare. A vrai dire, sans ses airs étrangement anachroniques – il ne s’était jamais lassé du style gravoche si tendre de son dix neuvième siècle natales, il était à peine plus vieux que les adolescents qui l’entouraient. Sa chemise blanche se confondait avec les uniformes de ceux-ci, sa tête échevelée et ses airs moqueurs le rendait aussi presque adorablement juvénile qu’eux. Adolescent défraîchi, voilà ce qu’il était, un adolescent sans candeur n’est plus qu’un jeune vieillard. Voilà toute l’ambiguïté que dégageait le vampire, lui, ses deux cents ans de bagages et ses pommettes lisses, il cumulait à la fois le savoir de l’âge et le dynamisme de l’enfance. Pourtant, était-il pour autant encore un peu enfant ? Non, et c’était là à la fois le comble et le drame de son existence.

Petites personnes, à l’esprit encore aussi blanc que le sucre, qu’il les enviait et ce qu’ils pouvaient l’agacer en même temps. Ils resteraient de tous ses proies favorites, ses tendres préférences parmi ses dames aux longues cuisses de chasseresses et ses hommes aux élégants favoris, parmi ses vieillardes aux mollets frêles comme des pieds de verres …

Vacances... Vacances, vacances ! Quel étudiant ne se sentait pas grisé, débordant d'enthousiasme et de joie à ce simple mot ?... Quel étudiant si ce n'est... Manu. Non pas qu'il n'accueillait pas ces vacances avec toute l'euphorie qui leur était due... Simplement Manu avait la poise, et il aurait toujours la poisse, sans aucun doute. De même qu'il serait en retard toute sa vie, peut être même qu'il ne serait pas fichu de mourir à l'heure. En tout cas, si il voulait prendre le train, il avait plutôt intérrêt à se grouiller.

Ce qui justifiait qu'il était actuellement en train de dévaler tous les escalier en courant -semant parfois un ou deux objets personnels qui s'échappait de son sac à dos mal fermé. Enfin il arriva en vue de la gare, et à l'instant où se précipitait à l'entrée de celle-ci, se vautre en beauté. Là dessus sa valise s'ouvrit sous le choc, déversant son contenu -assez hétéroclite d'ailleurs- sur les pavés, déclenchant les gloussements hystériques d'une bande de bécasses qui se dépêchèrent de regagner le train en lui jetant des regards appuyés qui le firent rougir de honte jusqu'à la racine des cheveux. Foutu poisse ! Il faudrait qu'il songe à s'acheter une patte de lapin...

Avec un soupir de désespéré, il se mit à ramasser ses affaires. Il stoppa son mouvement juste au moment où s'apprêtait à saisir un objet très étrange et non identifiable -issu de son premier cour de métamorphose, et qui à l'origine aurait du être une tasse-, lorsque son regard croisa deux yeux sombres. Ce regard l'électrisa sans qu'il sache pourquoi. Le jeune homme en face de lui avait quelque chose d'étrange, comme si une erreur s'était produite quelque part dans l'espace temps. Il semblait venu d'ailleurs, son apparence familière qui aurait presque pu le faire passer pour un élève ajoutait à cette impression de décalage. Quelque chose n'allait pas chez ce garçon, mais quoi ?

Directrice Nombre de messages : 51 Date d'inscription : 23/11/2004

Une jeune lolita au teint comme du petit lait faisait le pied de grue du côté des bancs publics, ses mollets nus, aguicheurs, aiguisait la fougue de jeune loup de l’éternel, et cela malgré la vulgarité évidente de l’adolescence. Après tout, qu’est ce la vulgarité sinon une charmante marque de naïveté ? Les avances subtiles, les malines séductions avaient fini par rebuter définitivement Armand. Seule la pruderie et la grossièreté pouvait se révéler attachante …

Ca y est, la minette doublait encore la mise, elle le fixait de ses tendres yeux de chatons, s’étirant si artificiellement qu’elle n’en était qu’encore plus qu’ingénue. La mâchoire d’Armand en raidissait d’adoration. Quelle adorable garce que voilà.
Ca y est, d’un essor de bras, hardi comme un conquérant, il mit pied à terre. A terre ? A vrai dire, pas vraiment. Quelque chose de mou s’étalant sur son talon stoppa sa course où elle avait commencé. Il souleva son talon et inspecta l’objet suspect avec un mélange de curiosité et de dégoùt. Ce qui avait la couleur et l’aspect évident de la céramique n’était en fait qu’une espèce de gomme gluante qui pendait, ridicule, entre le trottoir et son talon.
Incrédule, le vampire se prit à soulevait plusieurs fois sa jambe, pliant et dépliant ses genoux, la substance déforme adhérant obstinément à son talon.

Le talon s'écrasa mollement dans la masse d'apparence solide. Tiens étrange, il y a une heure, la chose était encore dure pourtant... Bah... Mieux vaut pas chercher d'explications.
La choses pendouillait à présent mollement au talon de l'inconnu, comme un gros chewing-gum, le rose bonbon en moins. Hm... Manu leva ses immense yeux noirs sur le séduisant jeune homme qui avait été apparemment arrêté en pleine crouse par la masse molle, informe et collante. Il esquissa un sourire d'excuse qui ne suffirait peut être pas à éclaircir l'humeur orageuse de son vis à vis.

"Je suis désolé, je ne peux pas garantir que cette chose voudra bien se décoller de ton talon. A vrai dire..."

Il eu une moue songeuse, puis avoua à mi-voix :

"J'ai un peu raté mon sortilège. Et ce truc... c'est le résultat. Mais c'est assez imprévisible comme chose, parfois j'ai l'impression qu'il a une vie propre. Il change de nature sans arrêt. Par exemple tu vois ce matin il était encore solide. Maintenant on dirait plutôt qu'il est mou et... Collant."

Il n'était pas sur qu'il soit vraiment prudent de le toucher à main nu pour le décoller de la chaussure de l'inconnu, aussi le laisse t'il pendouiller. Enfin le se releva -déjà qu'il n'était pas spécialement grand, si il restait à genou par terre il risquait de choper un complexe d'infériorité-.

"Je m'appelle Emmanuel ^^" ajouta t-il sur un ton détaché, comme si il ne venait absolument pas d'annoncer à l'inconnu qu'il garderait peut-être pour toujours une chose mystérieuse issu d'une tentative de magie raté collé à son talon.

(Je lui trouve des airs Kimmyesque à ce petit...)